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Début de l'Inde
Célébration de Holi
Après un mois passé à vadrouiller dans le Nord de l'Inde, comme vous le savez depuis bien longtemps, nous nous sommes arrêtés un mois dans Varanasi pour sauver le monde en travaillant avec des enfants dans deux écoles de rues.
Peut-être pouvons-nous vous commencer par vous en expliquer le contexte. En France, nous avions pris contact par e-mail avec une communauté de religieuses, sœurs franciscaines établies non loin de Varanasi. Face à notre désir de réaliser quelque chose avec des enfants, dans la continuité de notre voyage suivi par des élèves de classes primaires, ces dernières nous ont proposé de passer quinze jours avec l'association d'un prêtre à Varanasi même puis de travailler la seconde quinzaine de jours avec elles… Dans les faits, après avoir dépensé beaucoup d'énergie dans l'établissement de jeux l'après-midi et d'activités nouvelles dans les deux écoles de rues lors de la première période, avec l'accord des religieuses, nous avons décidé de privilégier le contact avec les enfants et le suivi de nos activités en restant un mois entier au même endroit. Ce n'était pas le programme prévu, mais nous voulions nous adapter aux faits.
Vous vous demandez sans doute ce que nous avons bien pu faire de si important avec tous ces enfants… L'association du père Dilraj s'appelle Asmita, ce qui veut dire dignité en hindi. L'objectif de cette structure qui compte une petite quarantaine de bénévoles est de redonner de l'identité aux populations nécessiteuses des slums, bidonvilles ou quartiers qu'on dirait en France « défavorisés. » Cette mission repose en partie sur l'éducation des enfants, d'où l'établissement de quelques écoles directement sur le terrain pour les enfants non scolarisés. Nous avons tenté d'apporter un peu de nouveauté dans deux de ces écoles, Kevaldam et Ravindrapuri.
La première introduction dans les écoles fut plus faite pour observer et rencontrer les enfants que pour réellement donner un enseignement. Alors tels de grands enfants nous nous asseyons près des plus petits. D'emblée, l'enseignement apporté aux enfants nous semble indispensable mais assez académique et nous nous dirigeons donc dans un enseignement plus récréatif, avec des jeux et la chance de se savoir deux ! Faire des groupes afin de séparer les activités aide les enfants à avoir des explications plus précises et plus longues. Ainsi, nous prenons réellement pied dans l'association et trouvons assez rapidement une conduite à suivre pour nous rendre utile. La liberté est grande, nous réalisons ainsi nos idées sans problème ce qui est à la fois déconcertant au début, car nous n'avions chacun aucune expérience dans ce genre de choses, puis très appréciable par la suite.
Aussi, après avoir pris le pouls des enfants, nous avons par la suite favorisé l'alphabet et les nombres. Il faut savoir que les enfants apprennent à la fois l'alphabet hindi et latin ainsi que les nombres en hindi et latin… Imaginez vous à l'école dès le plus jeune âge avec ce double apprentissage, pas évident ! Ne sachant pas encore parler hindi nous nous axons modestement nos petites interventions dans tout ce qui a trait à l'anglais et aux maths. Aux séances de récitation de l'alphabet et des nombres de 1 à 100 qu'ils ont quotidiennement avec leur professeur, nous essaierons d'ajouter des jeux afin de leur donner envie de savoir à nos côtés pendant cette heure et demie ensemble.
Manipuler est aussi une notion importante que nous voulions leur donner afin qu'ils ne soient plus passifs vis-à-vis de l'éducation mais actifs dans leur apprentissage. Concrètement, qu'avons-nous fait avec eux, nous novices ?
Dans la continuité de ce que nous venons d'expliquer, il nous a semblé déjà primordial qu'ils puissent palper les chiffres et les lettres. Rapidement après une course poursuite après des cartons dans Varanasi nous leur découpons des carrés, avec au crayon l'ensemble des 26 lettres, puis deux séries de chiffres de 1 à 10 (afin qu'ils puissent jouer de 1 à 100), tout cela enfermé dans une bouteille en plastique. Cela ne coûte rien, juste du temps. Là aussi nous nous soucions d'utiliser au maximum des matériaux peu onéreux pour deux raisons : d'une part pour ne pas arriver avec des outils tout neufs qu'ils pourraient envier et d'autre part pour montrer qu'avec un peu d'imagination une multitude de choses est possible, nous ne sommes pas sans penser aux professeurs…
Avec ces bouts de cartons les enfants sont heureux de tenir entre leurs mains un bout de cet alphabet tant convoité par le bâton du professeur. Et puis une multitude d'utilisations viendra s'y greffer : repasser les lettres avec un feutre (parfois cela donne un tableau très artistique !), ordonner l'alphabet dans le bon sens, faire des mots, épeler les lettres, dire des syllabes et puis des mots… À cela nous ajoutons des dessins sur des cartons afin de leur dire en hindi puis en anglais le mot auquel il correspond, ensuite vient la phase ou nous épelons le mot en anglais (à chacun de prendre la lettre en face de lui) puis de regarder si la succession de lettres est la même que celle écrite sur un autre carton que nous leur montrons, successions de lettres qui ont désormais un sens pour eux, le mot.
Sans donner tous les détails pour les autres activités, nous essayons de leur faire la même chose avec les chiffres afin qu'ils s'amusent. Aussi, nous avons joué à la bataille avec eux (nous rêvions de faire cela en classe quand nous étions gamins, se retrouver de l'autre côté est très amusant !) pour leur montrer l'ordre des chiffres, et aussi qu'ils retiennent le chiffre avec le nombre de cœur ou de carreau ou de trèfle ou de pique qu'il y a sur la carte et qu'ils comptent pour les plus jeunes ; jouer aux dés pour commencer leur carrière de mathématiciens en additionnant, et l'un des jeux les plus prenant fut le célèbre bingo où ils prenaient plaisir a voir leur carton de chiffres s'emplir de pierres, « Bingo ! » disent-ils timidement puis reçoivent un petit crayon de couleur. Alors devant ce succès nous leur faisons également débuter leur carrière de littéraires ou de joueurs, tout dépend du point de vue, en adaptant cela avec les lettres.
Lundi, mardi, mercredi, jeudi, vendredi, et samedi nous retrouvions un emploi du temps que nous avions depuis très longtemps abandonné, 9h00-10h30 : première école puis 11h-12h30 : seconde école.
Très rapidement, nous voulions renouer avec ces enfants dans l'après-midi pour faire toutes les activités pensées avant l'arrivée à Varanasi. En effet, il y a réellement eu un « avant » où nous avons réfléchi aux jeux et activités manuelles que nous aurions pu leur proposer. Tout cela ne fut pas perdu lorsque nous décidâmes de prendre d'assaut le parc d'à côté pour le rendez-vous de « tomorrow tchar badgé ? » dit par les enfants avec enthousiasme après quelques jours, en français : « Demain à quatre heures ? » Qu'avons-nous fait, encore une fois ?
La seconde partie de notre travail nous vit encore plus libres que la première : nous partions d'une feuille blanche. le but étant d'offrir une activité type centre aéré aux enfants des écoles et à d'autres, pour occuper leurs après-midi, qui se passent dans la rue, pas forcément pour traîner mais en tous cas le plus souvent sans but précis. Là encore, il fallait essayer d'utiliser le moins de matériel possible, ou tout du moins du matériel simple et réutilisable. Pour cela, une technique : la remémorisation des jeux de notre enfance : la tomate, 1-2-3 soleil, le facteur, des relais, des courses, des jeux avec des cordes (tir à la corde, saut à la corde…), du jonglage (ils devaient préparer leurs balles… avant qu'elles ne soient détruites par l'utilisation détournée qu'ils en faisaient), des jeux d'adresses… On finit par en trouver un certain nombre ! Les enfants en connaissent également mais il s'avère extrêmement difficile pour eux de les organiser seuls. Au final un rendez-vous plutôt apprécié avec un nombre variable d'enfants, de 15 à 40, pas toujours facile à gérer en étant deux ! De tous âges, pas seulement des bidonvilles, les enfants nous accueillent avec un grand sourire pour débuter l'après-midi pas un grand « namasté » (bonjour/au revoir).
Nous avons tenté de rendre ces activités continues mais leur transmission ne s'est pas vraiment opérée, nous travaillions peut-être d'une manière trop différente de la leur et le centre aéré n'a pas retrouvé de bénévoles malgré la simplicité des jeux. Nous aurons tout de même la visite de membre de l'association pour un peu de reconnaissance et pour s'en inspirer à l'occasion.
À l'issue de ce mois d'activité, nous apprécions la liberté offerte et les résultats, difficilement quantifiables autrement que par la joie des enfants à nous revoir chaque jour. En tout cas, pour nous, ce fut un grand creuset d'idées nouvelles, de l'apprentissage de se préoccuper de l'intérêt des enfants et non du nôtre; nous avions les moyens de faire des activités plus exotiques mais elles exigeaient du matériel et nous ne voulions pas en faire étalage : ce que nous avons fait devait pouvoir être repéré simplement. Nous espérons que cela fut le cas ! En tous les cas, un grand grand merci à Asmita et au père Dilraj, un prêtre vraiment cool dans tous les sens du terme.
La venue de nos parents à partir du 16 avril fut l'occasion de retrouver quelques bases et références de notre vie de Français pour voir, déjà si le voyage nous avait radicalement changé ou transformé intérieurement. Après une si longue période vie en couple, il est étrange de passer deux semaines de vraies vacances avec ceux qui nous suivent de loin et qu'on aimerait toujours plus mettre dans le monde de notre voyage. Avec l'Inde, nos parents (et la petite sœur de Charles) ont tiré le gros lot à la loterie du dépaysement, même si la magie n'est pas forcément celle à laquelle on s'attend. Un grand moment de bonheur avant de repartir pour notre dernière étape !
À l'occasion de ces retrouvailles avec nos parents à Delhi, un sac à dos fut égaré dans un rickshaw. À l'intérieur, notre appareil photo numérique, notre disque dur pour stocker nos photos (photos sauvegardées), des objets, une carte bleue… un carnet de bord qui gardait en son sein notre aventure narrée depuis décembre. Est-ce le voyage qui rend moins matérialistes ? Il y a des choses qu'on ne peut qu'accepter, surtout quand notre mémoire écrite depuis quatre mois disparaît si brutalement… C'est ce carnet qu'on regrette le plus. Il fallait bien qu'on ait un problème un jour…
L'Inde ou les Indes ?
Dans ce pays énorme dont nous ne connaissons qu'une infime partie, la culture reste omniprésente (surtout dans la ville sacrée de Varanasi) et le spectacle de rue, permanent : impossible de s'ennuyer ! Nous rêvions d'une Inde au Taj Mahal, pleine de couleurs, de turbans, de Maharadjas, nous découvrons un pays peuplé, bruyante, vibrant de tout son cœur, toujours, plein à craquer d'une énergie inépuisable, aux mentalités incroyablement éloignées des nôtres.
La religion change fondamentalement la couleur de ce pays. Si la population musulmane constitue 20 % des Indiens, l'immense majorité de cette dernière est hindoue, cet hindouisme aux rites si particuliers, à l'iconographie délicieusement kitch, aux milliers de dieux, aux croyances incroyables… On en est retourné : sans être des spécialistes, on sent le comportement des gens très décalé, dans ses préoccupations, du nôtre. Est-ce dû à la croyance en la réincarnation de l'âme ? Il semble que la vraie vie est ici car tout semble nature et réel, de la saleté jusqu'aux centaines de temples dans la rue, de la nourriture toujours fraîche jusqu'aux pauvres dans la rue. Chez nous, par opposition, il semble que tout est propre, artificiel, loin des besoins naturels, que nous sommes développé dans les besoins secondaires et non la vie quotidienne comme cela l'est ici : ici, la vie semble être la même depuis des millénaires. Pas de honte, d'événements extraordinaire, de gens importants, chacun semble vaquer à sa tâche avec plus ou moins d'ardeur selon le rôle qui lui a été attribué par le destin et son karma, la valeur de son âme. Un peu de flegmatisme, qu'on appellerait paresse en France, un peu d'indifférence mais une disponibilité constante pour parler.
Beaucoup de témoignages contredisent l'image de non-violence de l'Inde et la tolérance apparente n'est peut-être que de l'indifférence. Et on a parfois l'impression d'être continuellement agressé, la notion d'intimité n'est pas très développé, l'espace personnel est allègrement transpercé par le bruit, les appels incessants, les contacts physiques. Par cela aussi on se loin de son pays.
Beaucoup d'agitation, de bruits, toujours. Cela ne semble pas « les » déranger. Des ordures partout, ici pas de poubelles, tout est jeté à même le sol puis ramassé par des gens miséreux dans de grandes brouettes. Le résultat est impressionnant de saleté… Mais tout est relatif, qu'est-ce que cela serait si la consommation était la même qu'en Occident ? La rue est un immense flux de marchandises et d'hommes en rickshaw à moteur, à pédale, de taxi, de vélos, de voitures et de piétons transportant des objets toujours plus encombrants et inimaginables et des hommes dans des configurations impossibles. La vie est très peu chère, on peut manger pour un demi-euro, les vendeurs vous assaillent de toutes part, même après deux mois on se sent toujours assez étranger et le contact honnête et dénué d'intérêt semble plus difficile à nouer qu'auparavant. La gentillesse des personnes est tout de même appréciable, on les sent disponibles, ils ont du temps. Heureux hommes !
Avec nos parents, nous avons parcouru une partie du Rajahstan, le pays des Rajahs, les rois ! Palais incroyablement luxueux, hommes magnifiquement enturbannés, femmes colorées dans leurs saris multicolores, paysages arides, pierres précieuses, chameaux, Taj Mahal… Le guide touristique n'avait donc pas menti ! C'est comme les vaches sacrées, il y en a vraiment partout, comme dans Tintin et Milou, et personne ne les embête alors qu'elles font caca partout, et ce n'est pas des crottes de chien !
Et dire que nous n'avons habité que dans une ville… L'Inde, on ne la visite jamais, on ne visite qu'une des Indes.
Le Népal et l'Himalaya nous appellent de plus en plus fort, il nous faut nous arracher à l'emprise de cette ville si riche pour fatiguer à nouveau le corps dans des paysages que l'on attend grandioses, avec un grand trek et du vélo sur quelques routes escarpées. Nous vous donnons déjà rendez-vous pour la dernière étape Paris – Le Mans vers la mi-juillet, date à suivre.
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