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Iran – Pakistan — 14/01/2005 au 03/02/2005

Après Téhéran la gigantesque, nous gagnons Kashan pour reprendre nos esprits étourdis par cet urbanisme irraisonné. Comme partout, le bazar est plein de vie, et nous avons cette fois-ci la chance d'y monter sur le toit, datant du 13e siècle. Le bazar a gardé de cette époque des coupoles de torchis qui semblent si fragiles que l'on n'ose s'y aventurer. Il semble subsister ici des activités de toujours, la teinte de la laine, la fabrication d'ustensiles de cuisine, la préparation d'épices, c'est cela aussi la vie du bazar. Et elle est engageante…

Ispahan 1

Le sud nous tend ses routes pour gagner le Pakistan. Mais quelles routes nous faut-il gravir avec peine… Les kilomètres défilent sans voir de villages et la faim nous gagne… Au bout, un petit village ancré dans la montagne colorée par la neige. Nous demandons du lavache, pain plat et rond d'Iran et véritablement épuisés nous prenons place sur le tapis du salon, les pieds au chaud sous une table basse chauffante. Le lieu est si paisible que nous ne trouvons pas la force de repartir, seulement celle de s'assoupir. Ce charmant monsieur au visage usé par le soleil, à la peau mate et à la tête couverte d'un bonnet court en laine retient nos regards.

Ispahan 2

Deux chemins nous séparent le lendemain, un par la route pour Foucauld, un par les chemins enneigés pour Charles. Finalement la route rend l'arrivée à Abyaneh plus longue, mais possible… La fin en stop dans des pick-up se fait sous la nuit qui tombe, l'appel des loups se faisant presque entendre lorsque la neige entame sa danse, dans la soirée. Les pieds une nouvelle fois au chaud, nous prenons un repas « en famille », avec l'homme rieur et caché et sa femme, chaleureuse.

Lever sous une petite dizaine de centimètres de blanc, l'ocre des maisons et des ruelles qui serpentent dans ce village enfoui dans un cirque géant rend le ton des couleurs extrême, de la brillance et la clarté de la neige ensoleillée au mat des murs de torchis.

Puis Ispahan qui, décrite comme le centre du monde par certains, regorge de beautés persanes. Trois jours à passer entre la majestueuse place Imam Khomeini et son bazar étendu, à rencontrer les Iraniens très entreprenants. Parmi eux, des rencontres pour qu'ils améliorent leur anglais, pour acheter des tapis, pour nous poser les éternelles questions : « Where do you come from ? » et « What's your name ? » agrémentées d'un « Welcome to Iran ! » chaleureux ainsi que celle de nouveaux voyageurs, dont Robert, l'Autrichien qui traverse le pays pour rejoindre l'Inde.

Ispahan 3

Les Iraniens sont avides de touristes et prennent plaisir à venir vous voir, mais rapidement la discussion devient compliquée avec le farsi qui reprend le dessus sur l'anglais. Et puis nous devenons un peu las de devoir répéter les mêmes réponses. Difficile dans cette place de gagner un moment seul, de s'asseoir pour se laisser réchauffer par le soleil retrouvé.

Ispahan 4

Le vendredi, qui est ici la fin de la semaine, notre dimanche à nous, cette place accueille les fidèles qui viennent par centaines pour la grande prière. Le chant de l'imam retentit tout au long des cinq cent mètres qui séparent l'entrée du bazar de la célèbre mosquée Imam. Regarder les gestes perpétués par les hommes d'un côté et les femmes de l'autre est délicieux. Ensemble à s'asseoir, ensemble à se courber, ensemble à toucher le sol avec leur front, ensemble pour Allah. La fin de la prière se solde par des poignées de mains entre voisins, quels qu'ils soient.

Ispahan 5

Nous rencontrons dans cette ancienne ville de voyageurs… des voyageurs, de République tchèque et d'Autriche. Ce dernier, le fameux Robert, nous propose de l'accompagner jusqu'à Shiraz pour un bout de chemin qui se transformera bientôt en épopée jusqu'à Quetta au Pakistan. Nous goûtons assez la compagnie de ce voyageur solitaire venu depuis son pays avec sa Rossinante, une Toyota rouge que nous avons tôt fait de charger comme une mule !


Persépolis 1

Persépolis, un nom qui fait rêver… Cet immense hommage à la splendeur passée des rois Perses dresse ses vestiges monumentaux sur les flancs de collines depuis deux mille cinq cents ans. Nous flânons dans ces décombres, imaginant les cérémonies passées et les palais qui accueillaient les délégations rendant hommage, pour le nouvel an iranien (No Ruz), aux empereurs Darius premier, Xerses et Ataxerses. Les animaux mythiques tels que les lions à tête d'homme, ou le Homa, symbole de la compagnie nationale Iran Air, peuplent encore ce champ poétique qui a traversé les âges pour faire encore aujourd'hui la fierté de l'Iran.

Et puis Shiraz, la ville des poètes et de la culture persane. Nous flânons dans le bazar, jouissons du calme si travaillé d'un jardin, des premiers palmiers et de l'atmosphère d'un tombeau, celui d'Hafez, un des plus célèbres poètes persans.

Persépolis 2 Persépolis 3 Shiraz

Bandar 1 Bandar 2

Nous ne nous attardons cependant pas, la froideur des lieux nous emporte jusqu'à Bandar-e-Abbas, à l'extrême sud. N'oublions pas que la plus grande partie de l'Iran est à plus de mille cinq cents mètres d'altitude ! Oasis et orangeraies jouxtent la route avec une régularité monotone, mais il y a des signes qui ne trompent pas, nous descendons sans cesse, vers le chaud ! Plus gros port de la côte du golfe persique, cette ville offre tout de même des terrains de jeux agréables, face à la mer, et des plages pour s'ébattre en toute liberté et même se baigner (en combinaison, surtout ne pas trop se dénuder !). Robert joue de l'accordéon, Charles enseigne l'art du jonglage, Foucauld court après le ballon, chacun s'occupe à sa manière d'occuper les enfants d'ici. Roubii !, nous sommes bien. Ce lieu de diversité ethnique jouit d'une vie entre l'Afrique, les pays arabes et l'Asie, cette ville où nous campons sur la plage et où la marée, qui rythme nos nuits étoilées, rappelle les vacances ; un air de fête nous prend pour cette pause toute différente, au bord du golfe Persique.

Bandar 3 Bandar 4 Bandar 5

Bam 1

Nous repartons à la conquête des kilomètres pour trouver Bam, la ville en deuil. Le sentiment de joie qui auparavant nous animait se change aussitôt en tristesse devant la désolation du lieu, un an seulement après le terrible tremblement de terre qui tua ici près de 40 000 personnes. La citadelle qui faisait la fierté de la ville est plus à construire qu'à reconstruire et les routes ne sont bordées que de maisons en ruine. C'est différent de lire un journal et de constater les faits…

Bam 3

Au large de Bam, le désert. Encore une pause remarquable avec notre ami, un feu de joie brûle en nous. Nous ressemblons près de notre rocher à des Indiens, seules nos ombres qui s'y dessinent nous trahissent, nous n'avons pas de plumes sur la tête. Une nuit intense et noire, celle du désert. Les étoiles éclatantes et la voie lactée nourrissent l'imagination. Pourquoi ne pas s'imaginer ses propres constellations ? Parfois des étoiles filantes diffusent une lumière rectiligne et fine, encore ! Nous choisissons la chambre un million d'étoiles, que dire du luxe qui nous entoure ?

Bam 2

Vingt litres d'eau pour trois pour la journée, quelques œufs avec des tomates pour une omelette que nous mangeons matin et soir, des lavaches et le thé. Bien sûr, nous nous lavons les dents !

Le Balouchistan, région qui s'étend sur l'Iran, l'Afghanistan et le Pakistan, regroupe une communauté majoritaire appelée Balouchi. Il n'y a rien de plus facile que de les reconnaître, ils portent une très longue chemise leur arrivant jusqu'aux genoux, le plus souvent blanche, ainsi qu'un large pantalon. Leurs visages deviennent plus colorés encore. Les échanges de regards sont un vrai jeu, ne pas trop regarder l'autre mais suffisamment pour apprécier leur beauté. La soirée aux portes du Pakistan nous voit endormis sur des tapis dans une famille Balouche.

Mirjaveh

En effet, beaucoup de personnes dans les villages vivent dans une ou deux pièces à la couleur rouge des tapis persans, atmosphère chaleureuse garantie. Généralement la pièce est pratiquement sans meubles, puisque nous mangeons sur une nappe à même le sol, seuls des coussins viennent enrichir cet espace d'autres couleurs. Aux murs des tableaux de La Mecque et, comme partout, le nom d'Allah en écriture arabe.

Pakistan 1

Cette frontière, véritable village sur des kilomètres, se franchit avec la découverte de nouveaux visages, encore. La première rencontre avec les camions pakistanais est aussi impressionnante, décorés avec les couleurs de l'arc en ciel, agrémentés d'objets scintillants. Nous voilà enfin au Pakistan.

Pakistan 2

La pire route du voyage arrive, celle pour rejoindre à travers le désert la première grande ville, Quetta, à quelque cinq cents kilomètres de là. Le sable ensevelit par endroit l'asphalte, des dos de chameaux en lieu et place de notre dos d'âne français ! L'occasion pour nous de trouver enfin des dunes de sable, nous y courons ! De nuit, le trajet est un peu périlleux mais d'une toute autre dimension. Les check-points où les hommes de l'armée armés de kalachnikovs nous arrêtent pour noter notre numéro de passeport se multiplient, l'ambiance est unique avec ces hommes portant le turban gracieusement. Pour en finir, une escorte armée nous accompagne quelques kilomètres dans la nuit. Quetta de nuit, si différente de celle du jour.

Pakistan 3

Nous goûtons aux premiers pas dans la rue avec extase. Toute cette vie qui se déroule au cœur du bazar nous change des bazars (finalement tranquilles !) de l'Iran et de la Turquie. La ville s'anime par les touks-touks, les ânes et leurs charrettes, les hommes attendant tranquillement au soleil un bus coloré puis sautent dedans en marche, les klaxons, la fumée d'échappement… L'ambiance est celle de l'Asie, véritablement ce pays nous plaît déjà !

L'exploration du pays avec les vélos débute avec beaucoup d'envies nouvelles. Nous nous donnons encore deux semaines pour atteindre l'Inde et goûter aux espaces vierges du désert, avant de trouver un nouvel inconnu.

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Dernière mise à jour le 11/06/06.
« Il faut que la pensée voyage et contemple, si l'on veut que le corps soit bien. » (Alain)